- Prélude:
- Pas besoin de lire ce pavé pour comprendre l'histoire de Rafael, je me suis juste laissé emporter. Il est encore temps de faire demi-tour.:
Pour entièrement cerner l'histoire de Rafael, il faut remonter bien avant la naissance du jeune garçon.
Les grands-parents de Rafael étaient arrivés au Brésil en 1960, parmi les dernières vagues d'immigrations. Comme de nombreux autres japonais, ils étaient venus ici dans l'espoir d'améliorer leurs conditions de vie. Comme pour de nombreux japonais, le succès fut mitigé. Son grand-père, à l'époque encore jeune et vigoureux, fut très rapidement orienté vers les plantations de café paulistes. Ce métier avait premièrement été "attribué" aux esclaves africains, arrangeant ainsi le gouvernement comme les exploitants. Une fois l'abolition mise en place, les élites brésiliennes s'étaient arrangées pour attirer les jeunes européens dans leur pays. Cela solutionnait le problème de main d’œuvre et dans un même temps, cela permettait au pays de, comme ces fameuses élites l'avaient déclaré, "blanchir". Les biens pensants qu'ils étaient jugeaient qu'il serait bon de reprendre le pourcentage majoritaire dans la population que détenaient les Africains et les Amérindiens. Cependant, la source européenne d'immigration se tari bien vite face au salaire très bas, aux conditions de travail déplorables et aux interminables heures de labeur. Manquant à nouveau de travailleurs pour leur plantation et faute de mieux, le gouvernement brésilien opta cette fois pour les Japonais qui passaient à travers une forte crise.
Hiroshi, le fils du couple immigré et futur père de Rafael grandi donc au Brésil. Comme souvent malheureusement, l'enfant d'étranger qu'il était ne parvenait pas à s'intégrer. Sa maîtrise de la langue portugaise était pourtant aussi bonne que sa maîtrise de la langue nippone, mais il n'en restait pas moins différent aux yeux des brésiliens. Heureusement, la grande population japonaise présente permettait aux enfants issus de l'immigration de ne pas grandir seuls et rejetés de tous. Et ainsi ses jeunes années passèrent, entouré de sa famille et de ses amis japonais, ne se mélangeant pas aux autres.
Hiroshi s'était toujours montré ambitieux et travailleur, au plus grand plaisir de ses parents qui, comme le cliché le voulait, attendaient beaucoup de leur enfant. En parallèle de ses études, il travaillait dans un restaurant du quartier pour aider ses parents. C'est là qu'un été, il avait rencontré Isaura. Brésilienne africaine, elle faisait partie des rares étrangers venant régulièrement dans le quartier japonais. Gracieuse, caractérielle et intelligente, elle n'avait laissé aucune chance au pauvre Hiroshi qui n'avait pu que tomber sous son charme envoûtant. Heureusement pour lui, Isaura n'était pas non plus insensible au jeune garçon qu'il était. Elle avait été plus entreprenante que lui, qui n'aurait jamais même imaginé avoir une chance de plaire et avait fait le premier pas. A l'abri du regard de ses parents très conservateurs, le jeune japonais avait passé le meilleur été de son existence, apprenant à découvrir la jeune fille captivante qu'était Isaura. Jamais il n'avait rencontré de fille comme elle, elle semblait appartenir à un autre monde tant sa façon de voir les choses était nouvelle pour le garçon. Elle ne se souciait pas des origines, de la classe sociale ou de toutes ces choses qui régissaient les interactions dans ce pays. Ce n'en fut donc que plus douloureux lorsque, l'été touchant à sa fin, elle lui expliqua qu'elle devait retourner dans son école et qu'elle ne savait quand ils pourraient se revoir. Le garçon amoureux tenta d'en savoir plus sur l'endroit où elle se rendait, sur comment lui rendre visite et de quel type d'école il s'agissait mais elle refusa de lui raconter quoi que ce soit. Elle l'abandonna.
Après cela, partagé entre peine et colère, Hiroshi s'était plongé dans ses études et dans son travail pour oublier. Les mois passèrent, puis quelques années. L'objectif d'oublier n'était pas entièrement atteint car il lui arrivait encore, à de rares occasions, de se surprendre en train de repenser à son amour de jeunesse. Mais du haut de ses 21 ans, il pouvait se vanter de faire partie des rares diplômés avec mentions résidant dans le quartier. De plus, le patron et chef du restaurant dans lequel il avait travaillé toutes ces années s'était mit en tête de le former pour prendre sa succession, faute d'avoir des enfants à qui le léguer. Sa vie était toute tracée, il allait rendre fier sa famille et honorer les valeurs transmises.
Mais c'était sans compter les aléas de la vie. Le garçon allait à un rendez-vous avec des fournisseurs pour le restaurant. Il était terriblement fébrile à l'idée de devoir gérer cela pour la première fois et pour l'occasion, s'était habillé aussi professionnellement qu'il le pouvait. Peut-être trop. Les rues brésiliennes n'avaient jamais été très sûre et s'il ne courrait pas grands risques dans le quartier de son enfance, c'était une autre histoire une fois en dehors. Un groupe de jeunes, jugeant la proie facile, s'approchèrent de lui pour commencer à le malmener. Le seul argent qu'il avait sur lui était celui de son patron, le paiement des fournisseurs. Il sentait, peut être de manière exagérée, l'avenir du restaurant sur ses épaules, car paiement, pas de livraison et sans livraison, impossible d'ouvrir le restaurant. Il tentait vainement de se défendre face aux brutes qui, si elles auraient pu déjà en avoir terminé, préféraient jouer avec leur proie. Alors qu'Hiroshi sentait que leur jeu s'approchait de la fin, une jeune femme se fraya un chemin entre les agresseurs, bondit sur le garçon et tout ce qu'il put discerner à partir de ce moment fut une sensation d'écrasement et d'une forte envie de vomir. Il lui fallu de nombreuses secondes pour reprendre contenance et enfin se rendre compte qu'il n'était plus dans une ruelle mais dans un appartement sombre, affalé dans un canapé aux côtés de la jeune femme qui lui avait sauté dessus. Des centaines de questions se bousculaient dans son esprit qui semblait en ébullition. Mais seul un mot passa le seuil de ses lèvres. Isaura.
La jeune femme, comme souvent, se baladait dans les rues de São Paulo. Beaucoup dans son entourage la considéraient étrange de se promener ainsi parmi les moldus alors que rien ne l'y forçait. Il faut dire que beaucoup de sorciers ne s'intéressait pas aux moldus, certains allant même jusqu'à les juger inférieurs. Mais pas elle, elle trouvait cela fascinant de voir comment ils utilisaient sciences et technologies pour palier aux challenges que les sorciers eux résolvaient par un simple coup de baguette. Il faut dire que l'éducation qu'elle avait reçu avait contribué à l'esprit libre qu'elle était. Née de deux parents sorciers, elle avait, à l'inverse de nombre de ses camarades dans le même cas à Castelobruxo, grandit dans une ville moldue. Ses deux parents étaient nés-moldus et même après avoir découvert qu'ils étaient sorciers et être sortis diplômés de l'école de magie, avaient pris la décision de rester dans la ville de leur enfance. Son père travaillait comme auror au service du gouvernement brésilien de la magie et sa mère était devenue magizoologiste. Leur vision et leur tolérance envers les non-maj étaient, pour l'époque, considérées comme très étranges mais les deux étant particulièrement compétents dans leur domaine, on avait d'un accord tacite accepté ne pas s'en préoccuper.
Plongée dans ses pensées comme elle était, naviguant à l'instinct à travers ses rues qu'elle connaissait si bien, elle failli bien manquer la scène se déroulant non loin de là. Coup du destin ou simple hasard, c'est en tout cas à ce moment là que son esprit refit surface. Hiroshi. Son cœur se serra en reconnaissant le jeune garçon. Non. Le jeune homme qu'il était devenu. Lui dire au revoir avait été la chose la plus difficile qu'elle avait jusqu'ici eut à faire dans sa jeune vie. Elle avait voulu y croire, à l'époque. Que leur amour, ce coup de foudre, pourrait transcender toutes les différences. Mais la fin du rêve arrivant avec l'automne, elle avait dû se résoudre à la dure réalité. Que jamais elle ne pourrait lui avouer qui elle était vraiment. Hiroshi. Il était en danger. Face à ce simple constat, sa raison sembla s'envoler. Telle un coyote voyant passer un roadrunner, elle fusa sans réfléchir. Bousculant les agresseurs au passage, elle s'agrippa au japonais une fois à sa hauteur et l'instant d'après, elle était sur son canapé avec le rescapé. Le danger écarté, ce n'est que maintenant qu'elle pensait aux conséquences de son geste. Qu'allait penser le garçon ? Beaucoup de personnes au Brésil croyait à la magie. Macumba, Camdomblé, Umbanda, les noms qu'on pouvait donner ici à cette croyance étaient nombreux. Mais comment expliquer cela ? D'ailleurs, devait-elle l'expliquer ? Une sort d'oubliette ne serait-il pas préférable ? La décision qu'elle allait prendre allait pour sûr influencer le reste de sa vie. Sa baguette à la main, elle s'apprêtait à lancer le sort d'oubli. Mais c'est à ce moment qu'Hiroshi prononça son prénom, brisant la faible résolution qu'elle avait de le perdre une seconde fois.
C'est dans l'une des villes les plus peuplés du monde que Rafael est né le 29 septembre 1994. Un grand torii rouge marquait l'entrée du quartier de son enfance, reconnaissable grâce aux innombrables lanternes ornant les rues et réunissant bars à sushi, restaurants de ramens, magasins de kimono, temples ou encore marchés d'objets artisanaux. Cette description aurait suffi à n'importe qui en ville pour reconnaître l'endroit. Il s'agissait évidemment là de Liberdade, le quartier japonais de São Paulo. Fièrement érigé au cœur de la ville, c'était le foyer de la majorité des immigrants Japonais vivant à São Paulo, au point d'abriter la plus grande communauté japonaise au monde hors Japon, y compris la presque totalité de sa famille. Mais laissez-moi vous raconter cela à travers ses souvenirs.
10/10/1998 - The secret ingredient is always love.
Aussi consciencieusement qu'il le pouvait du haut de ses 4 ans, Rafael mélangeait les haricots rouges qui cuisaient en prévision de devenir des daifukus mochi. Son père supervisait l'opération, un sourire aux lèvres. Tout cela aurait été bien plus vite sans « l'aide » de son fils, mais il aimait le voit s'impliquer ainsi. Puis il fallait bien l'occuper. Les débuts de carrière d'Isaura en tant qu'auror lui prenait quasiment tout son temps et Hiroshi, bien qu'il bénéficie de l'aide de ses parents pour le garder, tenait tout de même à passer du temps avec son fils. Il ne s'était jamais réellement senti prêt à avoir un bébé, sans pour autant être opposé à l'idée. Longtemps, Isaura avait tenu compte de ses réticences et avait attendu, sans le presser. L'homme, conscient que lui aussi devait prendre en considération les besoins de son épouse, avait fini par lui proposer de sauter le pas, sans être pour autant particulièrement assuré. C'était parfois difficile. Entre le restaurant a gérer pour lui et la carrière d'auror de sa femme, le couple ne parvenait pas toujours à passer autant de temps ensemble qu'ils l'auraient souhaité. Mais ils s'en sortaient. Hiroshi se surprenait même en s'en tirant plutôt bien avec son fils. Parfois sa patience était mise à rude épreuve, mais heureusement il pouvait compter sur le soutien de sa tendre femme, bien qu'elle aussi soit épuisée.
Lorsqu'ils ne pouvaient faire autrement avec le travail (et cela arrivait souvent), les grands-parents prenaient la relève. S'ils n'aimaient pas beaucoup Isaura pour ses origines étrangères, cela ne s'était pas transféré à l'enfant qu'elle mit au monde. La peau de ce dernier était pourtant semblable à celle de la mère, mais immédiatement, les parents d'Hiroshi avaient adoré leur petit-fils. Ils avaient insisté fortement pour que l'enfant soit bercé par les deux cultures. S'étant attendu à des protestations de la part d'Isaura, ils furent bien surpris de voir que cette dernière semblait au contraire ravie de la chance qu'on offrait à son enfant. Hiroshi gloussa. Si ses parents avaient réellement su à quel point Isaura était différente d'eux, ils en auraient certainement fait une syncope. Son attention s'était quelque peu égarée et lorsqu'il la focalisa de nouveau sur Rafael, il eut tout juste le temps de l'empêcher de plonger la main dans l'eau bouillante pour goûter les haricots.
- Mais papa ! Je dois savoir comment ils sont cuits jusqu'à où !
Hiroshi lui expliqua que l'eau, brûlante comme elle était, ne pouvait être touchée. La mine du gamin se renfrogna. Il était visiblement contrarié par ce soucis technique qui l'empêchait de mener son plan à bien. Heureusement pour l'enfant, un haricot décida soudain de s'élever au-dessus de l'eau, flottant à quelques centimètres de lui. D'un geste vif, l'attrapa dans sa main mais, à son grand désarroi, le garçon ayant mis trop d'enthousiasme dans ce geste, le haricot s'écrasa sous sa poigne. Pour Hiroshi, cela confirmait deux choses dont il se doutait déjà. Les haricots étaient cuits et son fils serait aussi spécial que sa mère l'était.
11/12/1999 - I'm not spoiled. I'm just well taken care of by my grandparents.
- Vovo, je peux avoir du chocolat ?
Le grand-père grimaça. Il n'aimait pas ce surnom que l'enfant donnait à sa grand-mère, dérivé du mot avó. C'était brésilien et son petit-fils, lui, était japonais. Pour sa part, il avait insisté pour être appelé Ojiisan. L'enfant s'était cependant habitué dans ses plus jeunes années à l'appeler Jiji et le grand-père avait fini par s'en contenter car le petit avait l'art de l'attendrir. Au moins, c'était japonais. La grand-mère, qui avait accepté depuis longtemps d'être appelé Vovo par son petit trésor, était déjà en train de donner un carré de chocolat à l'enfant qui trépignait de joie.
Ils étaient cool, son papi et sa mamie. C'était pas toujours facile de les comprendre, mais Rafael aimait bien aller chez eux. Mamie s'occupait beaucoup de lui. Elle jouait même avec lui aux jeux qu'il inventait et lui faisait toujours manger des bonnes choses. Papi lui parlait beaucoup du Japon. Ça avait l'air très sérieux, le Japon. L'enfant ne comprenait pas toujours tout, mais il aimait bien passer du temps dans le fauteuil avec son papi à l'écouter raconter des histoires, alors il faisait semblant.
Conservateurs comme était le couple, voir une femme non japonaise leur voler leur enfant s'était avéré une lourde épreuve, impliquant de nombreuses disputes. Ils étaient d'abord certains que la jeune femme vénale avait malhonnêtement séduit leur pauvre garçon et qu'elle comptait en profiter. Puis ils avaient appris qu'elle gagnait au moins aussi bien sa vie que lui, mettant à mal leur théorie. Par-dessus cela, Hiroshi leur avait clairement fait comprendre que s'ils n'acceptaient pas sa femme, il serait donc contraint de couper les ponts avec eux. Cela était trop pour les grands-parents. Puis, que diraient les gens du quartier si cela venait à arriver ? Ne serait-ce pas encore pire, d'un point de vue de représentation sociale, que de couper les ponts avec leur fils ?
- Jiji ! C'est l'heure de mon dessin animé !
Son morceau de chocolat à peine englouti, voilà déjà que Rafael fusait vers le canapé pour s'installer. Si le vieil homme désapprouvait cette histoire de piraterie que son petit-fils aimait tant depuis quelques semaines, il avait cependant consenti à le laisser regarder quand il venait chez lui. Du moins, après avoir appris qu'on pouvait choisir de laisser l'oeuvre dans sa langue d'origine et qu'ainsi, Rafael travaillait son japonais sans que lui n'ait à lutter.
01/01/2000 - Those who don't believe in magic will never find it.
A pas de loup, Rafael progressait dans le couloir le séparant de son objectif. Trente minutes étaient passées, tous devaient à présent dormir. Dans son esprit, il avait enclenché le mode espion comme dans les films. Le petit savait que s'il se faisait attraper avant d'y être, c'était fichu. Il fallait arriver jusque là-bas sans se faire remarquer. La porte grinça lorsqu'il l'ouvrit et instinctivement, il suspendit sa respiration. L'obscurité l'empêchait de discerner quoi que ce soit, heureusement il connaissait les lieux comme sa poche. Aussi silencieux que la brise, du moins le croyait-il, l'enfant arriva enfin à sa destination. Une chance pour lui, le terrain était dégagé. Ni une ni deux, il escalada le lit et s'installa entre ses parents. Maintenant qu'il était là, aucun d'eux ne prendraient la peine de le ramener dans son lit. Trop occupé à célébrer mentalement sa victoire, il ne vit pas le sourire amusé de sa mère qui avait suivi toute l'opération, les yeux à demi-clos.
En temps normal, Rafael dormait sans soucis dans son lit. Il en était très fier, d'ailleurs, de son lit de grand garçon. Mais ce soir, il ne voulait pas que la soirée finisse. Il avait enfin été au Japon ! Papi allait être tellement content de l'apprendre ! Ou peut-être qu'encore une fois ses grands-parents n'allaient pas le croire ? C'était souvent frustrant pour l'enfant, cette manie qu'ils avaient de lui passer la main dans les cheveux en rigolant lorsqu'il expliquait que le ménage se faisait tout seul dans la maison ou que maman était une policière de la magie. Quoi qu'il en soit, à présent qu'il s'y était rendu, il comprenait que son papi aime tant en parler. En revanche, il ne comprenait pas bien pourquoi le vieil homme n'y allait pas plus souvent. Il se plaignait toujours de l'avion et des billets trop chers, mais maman lui avait bien expliquer que pour se porter loin, il suffisait d'être à l'heure et de bien s'accrocher. Oh ça oui, qu'il fallait bien s'accrocher ! Rien que de repenser au voyage aurait suffi à lui redonner le tournis. S'il s'était attendu à ça lorsque maman lui avait demandé de toucher son vieux ballon de foot dégonflé.
La soirée avait été magique. Enfin, ce n'était pas la soirée quand ils étaient partis du Brésil. Ni quand ils étaient revenus, d'ailleurs. Maman savait voyager dans le temps !? En tout cas au Japon, il faisait nuit quand ils étaient arrivés ! La première chose qui avait marqué le petit garçon, c'était la bonne odeur. C'était comme d'être dans la cuisine du restaurant, mais dans la ville entière ! Son père avait insisté pour aller dans un grand temple et si Rafael était d'accord pour dire qu'il était beau, il ne comprenait pas bien pourquoi la nourrir n'était pas la priorité. Heureusement, maman avait fait un clin d’œil lorsqu'il avait enfin abandonné la lutte pour manger d'abord. Un clin d’œil, c'était toujours bon signe !
Une fois le passage au temple terminé, ils allèrent enfin manger. Rafael n'avait jamais vu, de sa vie, un aussi grand bol de soba. Si au début il en avait été ravi, le finir fut plus difficile. Mais papa insista, expliquant que ne pas terminer porterait malheur pour l'année tout entière, motivation plus que suffisante pour l'enfant.
Le ventre bien plein, la petite famille changea de quartier. D'un coup de baguette magique de maman, des escaliers étaient apparus, dévoilant un spectacle inédit. Le père comme le fils étaient émerveillés, découvrant chacun de quoi était capable la magie. Le feu d'artifice semblait animé d'une volonté propre, des chats géants que maman appelait Zouwu dansaient parmi la foule, la musique venait de partout et nulle part à la fois, c'était presque trop pour les hommes de la famille qui pensaient rêver. Le sentiment que le garçon ressentait à cet instant resterait gravé dans sa mémoire pour de nombreuses années. Lorsque Rafael commença à fatiguer et après qu'on lui ait acheté un cerf-volant dragon, ils entreprirent de rentrer.
Lorsque finalement le sommeil le rattrapa, blottit entre ses parents, c'est un grand sourire aux lèvres qu'il l'accueillit.
02/11/2001 - Everyone has a plan until they’ve been hit.
Rafael était puni. Son père lui avait assuré qu'il ne sortirait pas de sa chambre de si tôt et, assis sur son lit les bras croisés, il avait abandonné l'air renfrogné qu'il avait tenté de se donner au début. Puis ça lui faisait mal à son œil qui avait changé de couleur. C'était même pas sa faute, d'abord, le principal avait raconté n'importe quoi. Bon, pas tout à fait. C'était bien lui qui avait cogné le premier, mais il avait une bonne raison ! Que personne n'avait accepté d'écouter. La colère du moment et de l'injuste était passée, faisant place à la tristesse. Il se retenait de ne pas pleurer comme un bébé, mais découvrait que, malgré qu'il soit maintenant un grand, c'était compliqué. De toute façon, il n'irait plus jamais à l'école parce que c'était trop nul.
Tout avait pourtant bien commencé, la stratégie qu'il avait mise au point fonctionnait à merveille jusqu'ici. Assis sur le banc à côté de celui des professeurs, personne n'osait venir l'embêter. Si cela rendait la récréation beaucoup moins amusante, Rafael considérait tout de même que cela valait le coup. Ici, Eduardo ne pouvait rien faire pour le persécuter. Eduardo, c'était l'élève un peu plus âgé que les autres, ayant redoublé et aimant semer la terreur parmi les jeunes les plus faciles à cibler avec son groupe. Forcément, le nippo-brésilien était parfait pour le rôle. S'il était toléré par les élèves brésiliens comme par les élèves japonais (du moins une majorité dans les deux cas), il ne faisait réellement partie d'aucun de ces groupes, aux yeux de ses camarades. Malgré qu'il soit un peu des deux, il n'était avant tout pas assez pour l'un ou pour l'autre. C'est là-dessus que la brute appuyait, la plupart du temps. D'autres fois, et c'était là ce que la victime aimait le moins, il menaçait aussi sa famille. Il assurait que son père, haut gradé dans la police, conduisait une enquête sur le paternel japonais et que selon celle-ci, l'homme était un terroriste. Qu'il avait tué de nombreuses personnes, par armes à feu ou avec des bombes. Selon l'humeur, Eduardo racontait qu'il allait sous peu être envoyé en prison, renvoyé dans son pays ou même être tué par la police pour ses agissements. Rafael savait que c'était faux. Il le savait. Mais l'enfant de huit ans qu'il était ne pouvait s'empêcher de se demander "et si ?". Malgré sa lutte pour ne pas porter attention au harcèlement dont il était victime, il finissait parfois en pleurs dans la cour de récrée et ce n'est que là, après s'être moqué une dernière fois, qu'Eduardo lâchait l'affaire jusqu'au lendemain.
Mais grâce à sa nouvelle stratégie de défense, il était devenu intouchable. Le tyran avait rôdé autour de son banc tel un prédateur, mais la proximité des enseignants avait fini par le décourager. Sauf qu'en bon prédateur, il s'était simplement tourné vers une autre proie en la personne de Danilo. Petit même pour son âge, l'enfant de 6 ans était le petit garçon le plus innocent que Rafael avait jamais vu, jouant avec tout le monde et toujours souriant. Sauf qu'à présent, il pleurait. A cause de lui, qui avait indirectement redirigé Eduardo droit vers lui. Avant même de le réaliser, il s'était levé de banc protecteur et avançait vers les deux garçons. Sa peur lui sommait de rester en retrait et de détourner le regard, mais il était porté par un sentiment de colère contre l'injustice que subissait Danilo. Une fois à leur hauteur cependant, il se senti un peu bête, ne sachant pas trop quoi faire. La brute ne l'avait pas remarqué, occupé qu'il était.
- Arrête de l'embêter ! Il a rien fait !
Ed se retourna pour lui faire face et soudain, Rafael se souvenait qu'il était tout de même bien plus grand que lui.
- Sinon quoi, mauviette ?
Le frêle poing du métisse vint s'écraser sur le nez du redoublant, faisant certainement aussi mal à l'un qu'à l'autre. Suite à ça tout s'était déroulé très vite et avant même qu'il ne sache comment, il s'était retrouvé dans le bureau du directeur, son œil lui faisant très mal et accusé d'avoir commencé une bagarre.
Sa mère, lorsqu'elle rentra dans la chambre, trouva l'enfant couché dans son lit. Elle pouvait voir qu'il se sentait mal mais avant de savoir si cela était justifié, elle ne pouvait le réconforter. Il n'était pas question d'encourager ce genre de comportement, même si ne pas pouvoir serrer son enfant contre lui alors qu'il n'allait pas bien était un supplice.
- Ton père m'a raconté. Ça ne te ressemble pas. Tu veux m'en parler ?
Les vannes s'ouvrirent et Rafael fondit en larmes, tel le bébé qu'il affirmait quelques heures avant ne plus être. Il essaya de s'expliquer mais sanglots et reniflements rendaient le tout intelligible. Isaura l'accueillit dans ses bras et attendit patiemment qu'il se calme, lui soufflant des mots apaisant. Lorsqu'il eut terminé de pleurer tout son malheur, toutes les moqueries, les menaces et les insultes, l'enfant recommença.
11/06/2003 - The roots of education are bitter, but the fruit is sweet.
Rafael rentrait de son cours d'aïkido avec Isaura. Après la fameuse bagarre à laquelle il avait participé à l'école, la mère avait déclaré que face à de telles petites brutes, son fils avait besoin d'apprendre à se défendre. Mais pas seulement. Il devait aussi apprendre à se maîtriser. Et quoi de mieux pour cela qu'un art martial ? Elle lui avait laissé le choix et le garçon avait opté pour la capoeira, qu'il pratiquait depuis bientôt deux ans. Sauf que Jiji s'était indigné. Avec le nombre d'arts martiaux provenant du Japon, il avait jugé cela inacceptable que son petit fils pratique auprès de pseudo combattants tout juste bons à danser. C'était là qu'était arrivé l'aïkido. Heureusement, l'enfant s'était pris d'affection pour les deux sports et y allait chaque semaine avec plaisir.
- Alors je vais devoir partir loin pour aller à l'école ? J'ai pas très envie, maman.
- J'y ai été moi aussi, tu sais ? J'en garde de très bons souvenirs. Puis tu dois apprendre à utiliser ta magie.
- J'ai même pas le droit de l'utiliser devant papi et mamie, à quoi ça me sert ?
- Ici, dans le monde non magique, nous devons vivre caché. Mais chez les sorciers, tu pourras vivre librement, apprendre à utiliser la magie dans la vie quotidienne. Comme quand on a été au Japon, tu te souviens ? Puis tu vas te faire des amis là-bas !
- Des amis ?
Rafael en doutait un peu, lui qui avait déjà du mal à se faire des amis ici. Peut-être était-ce parce qu'il était sorcier et que ses camarades étaient moldus ? Non, ce raisonnement n'était pas valable. Cela impliquait que le mélange n'était pas possible entre les deux, hors, ses parents étaient la preuve vivante que si. Il devait donc être le problème et cela serait la même chose à Castelobruxo. Mais la maigre possibilité d'être entouré d'amis bienveillant tentait tout de même l'enfant...
- Oui, des tas d'amis. Il faut laisser au moins une chance à cette école et au monde sorcier, tu ne penses pas ?
- Tu dois avoir raison, oui...
01/09/2006 - Some people talk to animals. Not many listen, though.
Sa première nuit à Castelobruxo fut très difficile. Malgré ses pouvoirs, le jeune garçon était terrifié à l'idée que quelqu'un, quelque part, se rende compte que sa présence ici n'était finalement dû qu'à l'erreur d'un bureaucrate indolent. Il s'attendait à tout moment à voir la porte du dortoir se faire enfoncer, laissant s'écouler un flot de sorciers armés de baguettes, venus chasser du dortoir l'imposteur qu'il pourrait être malgré lui. Les rares fois où le sommeil prenait l'ascendant, ses peurs devenaient cauchemars et c'est en sueur, non loin des pleurs, que le gamin reprenait conscience. Ne pouvant supporter davantage l'attente et l'incertitude, il se décida à prendre les devants. Quand on viendrait le chercher (SI l'on venait), il ne serait plus là. Récupérant la baguette dont il ne savait se servir et empaquetant ses draps malgré la chaleur de la nuit, il se glissa hors du dortoir puis de l'école. A peine le seuil franchi, un nouveau monde sonore l’assailli. Une protection magique devait protéger le château car ce n'est qu'une fois en dehors que lui parvint le tapage nocturne, certainement dû aux millions d'insectes et d'animaux présents dans la forêt amazonienne. Son courage s'ébranla, confronté à la faune que son esprit imaginait et aux milliers de kilomètres qui le séparait de la maison de ses parents. Cependant trop fier pour faire demi-tour, il se contenta donc de grimper à un arbre se trouvant à deux mètres à peine des murs de pierre du bâtiment. Avec pour seul compagnon l'espoir que les créatures ne s'aventurent pas si près de l'académie, Rafael se détendit pour la première fois depuis son arrivée à Castelobruxo. Passant d'une mer agitée à un lac placide, son esprit était apaisé. Le garçon ne pu s'empêcher de regarder suspicieusement l'arbre qui l'accueillait. Était-ce un végétal magique qui, avant d'en faire des victimes et pour mieux les tromper, apaisait les gens ? Sans perturber sa nouvelle tranquillité, il réfléchit sérieusement à la question et conclu qu'il était peu probable que, même dans ce nouveau monde de magie dont il ne connaissait rien, quelqu'un puisse avoir l'idée de mettre ce genre de prédateur à l'entrée d'une école pour enfants. Bercé par les bruits environnant, étrangement en paix, il sombra enfin dans un sommeil constellé d'animaux inconnus et d'aventures.
Même une fois qu'il eut compris que personne ne viendrait le chercher pour l'expulser de l'école, Rafael continua de temps à autre à se rendre dehors à la nuit tombée, s'enfonçant graduellement un peu plus loin dans la forêt. Les créatures qu'il découvrait ici étaient si surprenantes ! Avec le temps et une fois assez accoutumées pour laisser le pas à la curiosité, certaines le laissèrent s'approcher. L'espace et le temps semblaient se soustraire à son monde dans ces moments là. Peut être voyait-il là dedans plus de magie que dans ce qu'il apprenait en cours. Cours dans lesquels l'enfant se débrouillait bien, au passage. Du moins si l'on faisait fi de l'étude des runes, des potions et de la divination où il peinait quelque peu. Mais cela était largement compensé par son talent, presque naturel, pour la botanique et les soins au créature magique. Ou peut-être était-ce parce que c'était là les deux matières de prédilections à Castelobruxo ? En tout cas, la faune et la flore de la forêt Amazonienne qu'il avait découvert et dont il était tombé amoureux était définitivement en cause. Grâce aux cours, il pu rapidement identifier et savoir comment s'occuper des différents animaux qu'ils rencontraient et préparer des remèdes à base de plantes pour ceux ayant besoin d'être soigné. Il se plaisait à croire qu'il entretenait un lien particulier avec les Caipora, petits esprits velus très espiègle et malicieux qui, la nuit, veillaient sur les élèves et les créatures de la forêt.
Son bon caractère et son ouverture d'esprit lui permirent de se faire de bons amis sur qui compter, comme sa mère le lui avait promis. Ce fut parfois difficile pour lui de s'adapter, d'apprendre à penser autrement qu'on le faisait chez les moldus mais chaque fois qu'il pensait ne pas pouvoir aller plus loin, ils furent là pour lui. Il profita de chaque vacances pour rentrer voir sa famille. Ses grands-parents pensaient qu'il avait été envoyé dans une école privée et jouer le jeu n'était pas bien compliqué, la réalité étant proche de la fiction. Il aurait tant voulu leur faire découvrir les créatures qu'il côtoyait, leur montrer sa magie mais ne pouvant pas, ayant à présent compris que si son père avait accepté tout cela, ses grands-parents n'en seraient pas capables. Sa scolarité se déroula sans trouble particulier, le jeune garçon apprenant à maîtriser sa magie mais surtout à prendre soin des créatures magiques qu'il trouvait si passionnantes, le tout entouré d'amis. Bien sûr, ici aussi tout le monde ne l'acceptait pas pour ce qu'il était mais contrairement à sa scolarité moldu, il avait appris à faire avec sans être trop affecté.
26/02/2013 - I got to grow up with a mother who taught me to believe in me.
Une fois ses sept années d'études terminées et son diplôme en poche, Rafael rentra à São Paulo. Cela faisait plus d'un an qu'il était de retour et il était heureux de retrouver sa famille et le quotidien qu'il connaissait lorsqu'il habitait encore ici petit garçon. Ses journées étaient partagées entre passer du temps avec ses grands-parents, aider son père au restaurant et parler longuement du monde magique avec sa mère.
De par ses grands-parents, il en apprenait plus sur le Japon. Ces dernières années à Castelobruxo n'avaient pas particulièrement aidé le garçon à parfaire ses connaissances sur son pays d'origine et s'il parlait toujours très correctement japonais, c'était à peu près là tout ce qu'il savait du pays.
En compagnie de son père, il prenait plaisir à cuisiner. Si les deux avaient été très proches lorsque Rafael était petit garçon, ils s'étaient éloignés au fur et à mesure de sa croissance. Peut-être était-ce par pudeur qu'Hiroshi n'avait plus réussi à être aussi démonstratif avec son garçon une fois qu'il avait atteint un certain âge ? C'était du moins la théorie du fils. Si le père avait toujours veillé à ce que le fils ait à manger dans son assiette, des vêtements sur le dos et en sécurité, c'était là à peu près tout. Heureusement, sa mère était là pour le côté affectif. Le seul moment où il s'était toujours senti proche de son père, c'était dans une cuisine. Sans même avoir à se parler, ils se comprenaient, anticipant les besoins de l'autre au point de travailler dans une synergie presque parfaite.
Sa mère, elle, était son lien avec le monde magique. De retour à São Paulo, il vivait de nouveau dans le monde moldu et en dehors des quelques hiboux de ses amis, seul sa mère le maintenait informé de ce qu'il se passait chez les sorciers. En tant qu'auror, elle n'était pas autorisée à tout lui dévoiler mais c'était largement suffisant au jeune homme pour bien cerner la situation dans laquelle était le monde de la magie, globalement parlant. Elle était aussi la seule qui acceptait de l'écouter parler durant des heures sur les créatures qu'il avait côtoyé et celles qu'il rêvait de découvrir.
- Sais-tu déjà quand tu vas repartir ?
- Repartir ? Comment ça ?
Rafael était surpris. S'il avait bien pensé une fois ou deux à quitter de nouveau São Paulo pour découvrir le monde, il n'en avait jamais parlé à qui que ce soit dans sa famille. Alors pourquoi diable sa mère lui posait-elle la question comme s'il s'agissait d'une évidence ?
- Je te rappelle que je t'ai fais, gros malin. Je te connais. Alors ?
- Je ne sais pas encore. Jiji m'a donné envie de découvrir le Japon et mes origines. Puis il y a de nombreuses créatures là-bas que je n'ai vu que dans les livres...
- Alors qu'attends-tu ?
31/12/13 - Bâtard, tu es, tu l'étais, et tu le restes !
- T'as entendu ? Ils ont offert une place permanente au Dekasegi. Encore un gaijin qui va s'installer dans le coin...
Ses collègues parlaient non loin de Rafael, se préoccupant peu du fait qu'il puisse les entendre. Le Dekasegi, c'était lui et il avait pris l'habitude qu'on le traite différemment. Littéralement, cela voulait dire : Celui qui travaille loin de la maison. Le jeune homme avait découvert à son arrivée que nombreux étaient les descendant japonais venant du Brésil à revenir au pays de leurs origines pour travailler et que c'était ainsi qu'on les qualifiait. Il existait aussi un autre nom pour définir de quelle génération de descendant japonais ils faisaient partie. Issei, Nisei, Sansei et Yonsei. Rafael, en tant que petit-fils, était un Sansei, de la troisième génération. Cela lui valait souvent d'être mal vu par les natifs, malgré que son japonais soit plus que correct et qu'il mette tout son cœur à l'ouvrage.
Mais au fond, cela ne l'avait pas vraiment surpris. Au Brésil, on l'avait souvent rejeté à cause de son ascendance japonaise. Au vu de sa couleur de peau, il fallait se douter que les japonais, eux, ne le considérerait pas autrement que comme un Brésilien. Il avait un objectif et malgré tout ce qu'on pouvait dire de lui, il avait persévéré. Les premiers temps avaient été particulièrement compliqués pour le garçon qui avait radicalement changé de vie, se retrouvant seul dans un pays inconnu, avec personne pour lui donner sa chance. Il avait vécu sur ses économies dans l'espoir, de plus en plus fin, de trouver un emploi pouvant lui assurer une stabilité. Cela n'avait été qu'au bout de trois mois qu'on lui offrit enfin une opportunité. Il avait été engagé temporairement comme gardien dans une réserve naturelle de créatures magiques. Son rôle, plutôt basique, consistait à patrouiller dans la réserve pour s'assurer que tout allait bien, signaler aux magizoologiques les éventuels comportements étranges ou blessures chez les animaux et, au besoin, se battre contre des braconniers. Ce n'était certes pas le métier de magizoologiste qu'il aurait aimé, mais ça lui permettait de passer du temps auprès des animaux et c'était tout ce qu'il fallait à Rafael pour être heureux. Après quelques petits contrats, le patron, content du travail de son employé, lui avait proposé une place permanente au sein de l'équipe. Dieu merci, le vieil homme, contrairement à une partie des employés, se préoccupait peu de ses origines ou de sa couleur.
Pour se distraire de ce que ses collègues pouvaient bien raconter sur lui, le brésilien pensa à la soirée qui l'attendait. Avec les quelques amis qu'il s'était fait depuis son arrivée (d'autres Dekasegi et quelques japonais, car heureusement ses collègues ne représentaient pas la totalité des habitants niveau tolérance), ils avaient prévu d'aller en ville pour un restaurant et quelques verres. Cette seule pensée tira un sourire au jeune homme. Il commençait à se faire à sa vie ici, malgré les obstacles.
22/10/2016 - It's so much darker when a light goes out than it would have been if it had never shone.
Un verre de whisky à la main, Rafael tentait paradoxalement de s'éclaircir l'esprit. Tout était allé trop vite. Le jeune homme avait été contacté par le ministère de la magie brésilien, plus tôt dans la soirée. Isaura avait disparu. Il lui était arrivé de partir en mission pour son travail d'auror et de ne pas revenir pendant quelques jours voir semaines et Rafael, s'il s'inquiétait toujours un peu, avait appris à faire confiance à sa mère. Mais cette fois, ses employeurs eux-mêmes n'avaient aucune idée de l'endroit où elle pouvait être. Ce qui, dans ce travail, ne laissait jamais présager de bonnes choses. La personne avec qui il avait parlé n'avait pu lui expliquer que très peu de choses car la majorité de l'affaire sur laquelle l'auror enquêtait étant confidentielle et ce malgré la colère du garçon. Tout ce qui était sûr, c'est qu'elle n'avait pas fait son rapport au bureau depuis plusieurs jours, que la procédure voulait que la famille soit prévenue et qu'une enquête était ouverte pour la retrouver.
Suite à cela, Rafael avait dû passer l'appel le plus difficile de sa vie. Le cœur serré et la voix vacillante, il avait dû annoncer à son père la terrible nouvelle. L'homme n'avait pas paru comprendre au début, forçant l'enfant à répéter au prix d'efforts considérables le laissant en pleurs. Le paternel, guère en meilleur état, était trop effondré pour ne serait-ce que tenter de trouver les mots pour apaiser son fils. Et comment lui en vouloir ?
Demain, il devait retourner au Brésil pour retrouver son père et tenter d'obtenir plus d'informations au ministère. Demain, il devrait faire preuve de patience envers ces fonctionnaires si accrochés à leurs procédures, se retenir de fondre en larmes ou d'exploser de rage. Demain, il allait quitter la vie qu'il s'était construit ici durant ces trois années, ses amis, son travail. Mais tout cela n'importait pas. Car tout cela ne semblait pas réel. Comme un mauvais songe duquel on ne parvient pas à sortir, il ne parvenait pas à admettre et à concevoir que c'était la réalité. Que sa mère, celle qui avait toujours été là pour lui, n'était plus là et restait introuvable.
08/11/2018 - The scariest monsters are the ones that lurk within our souls
Un verre de whisky à la main, Rafael tentait d’anesthésier son cerveau, de le noyer lui et ses pensées. Mais jusqu'ici, c'était peu concluant. Heureusement, la nuit était encore jeune et sa bouteille pleine. Cela faisait plus d'un an que sa mère avait disparu et s'il continuait à la chercher, il n'avait plus réellement d'espoir. Mais c'était là tout ce qui lui restait, au fond. Après être rentré du Japon, le jeune garçon avait tout tenté pour obtenir plus d'informations auprès du ministère, mais ces idiots de bureaucrates étaient incapables de construire une phrase en dehors des répliques qu'on leur avait préparé. Son père, impuissant face au monde sorcier dont il ne faisait pas parti, avait placé ses espoirs en lui. Il ne pouvait abandonner si facilement. Si on ne voulait l'aider, il partirait donc lui-même à la recherche de sa mère. Rafael eut un sourire amer en y repensant.
Ça n'avait pas été simple, ne sachant même pas sur qui ou quoi sa mère pouvait bien enquêter au moment de sa disparition. Il avait d'abord tenté auprès des collègues aurors de sa mère. Ces derniers la connaissait depuis longtemps pour certains et peut-être compatiraient-ils à sa peine juste assez pour l'informer de ce qui avait bien pu arriver. Malheureusement, eux aussi s'étaient montrés bornés. Pour sa sécurité, soit disant. Rafael voyait surtout là des employés trop peureux de perdre leur travail pour faire la chose juste.
Les forces de l'ordre n'ayant mené à rien, le jeune homme s'était donc mis en tête d'essayer par l'autre bout de la corde. De nombreuses informations circulaient dans les quartiers malfamés du monde magique et encore plus au Brésil, pays réputé dangereux que ce soit du côté moldu ou sorcier. Malheureusement pour lui et son caractère de gentil garçon, on pouvait repérer de loin qu'il n'appartenait pas à ce monde de malfrats. Alors, là encore, il s'était adapté. Son père avait fortement désapprouvé mais la résolution du garçon n'avait pas flanché. Il était prêt à faire ce qu'il fallait pour retrouver sa mère ou au moins, en apprendre plus. Petit à petit, il s'était fait des contacts, abandonnant son air de jeune homme sage ainsi que certains de ses principes au passage. Après quelques mois de bagarres dans des bars, de revente d'ingrédients prohibés, de vols et quelques tatouages de "bad boy", il fut enfin jugé "digne de confiance" par les truands régnant dans les sombres quartiers magique de São Paulo. Enfin il obtint son information. Un bruit courait selon lequel des partisans d'un groupuscule européen tentaient d'embrigader des sorciers d'Amérique du Sud et qu'ils avaient pour habitude de faire disparaître ceux sur leur chemin. Les Missi Dominici.
Rafael avait perdu le sommeil depuis de nombreux mois déjà. La disparition de sa mère avait commencé le travail et sa conscience, suite aux méfaits qu'il avait commencé à accomplir et allant à l'encontre de tous ces principes, l'avait terminé. Le soir venu, il sombrait dans état de veille, souvent encouragé par l'alcool. Ni endormi ni éveillé, il restait toujours relativement conscient de son environnement mais récupérait les forces dont il avait besoin pour poursuivre, une journée encore, ses efforts inutiles. Il n'aimait pas celui qu'il était devenu. Celui pour qui la fin justifiait les moyens. Mais il s'était aventuré trop loin pour abandonner. Alors, après qu'il eut découvert la piste des Missi Dominici, il s'était lancé sur leurs traces. Malheureusement pour lui, ces dernières étaient plutôt peu nombreuses au Brésil et plusieurs fois, poser des questions à leur propos lui valu des problèmes. A chaque fois, il en avait réchappé de peu et grâce à de la chance. Jusqu'à ce soir, du moins.
Un homme à l'autre bout du bar s'était levé pour se diriger vers la sortie et malgré l'alcool présent dans son organisme, Rafael le reconnu. C'était un des présumés partisans du groupuscule. Quelles étaient les chances ? Abandonnant sa bouteille et son verre, le brésilien avait lancé une filature. Le moment de connaitre la vérité était venue, il en était certain. Mais il avait été trop imprudent. Il n'avait jamais été très bon une baguette à la main, préférant ses pieds et ses mains s'il devait se battre. En revanche, son adversaire, lui, était un duelliste expérimenté, ce qui fit toute la différence. L'homme l'avait laissé pour mort dans une ruelle, une entaille sanguinolente lui barrant l'abdomen. Sans être fatale en elle-même, la blessure l'empêchait de bouger, le laissant hors porté de sa baguette et se vidant de son sang. De chaudes larmes coulaient sur ses joues alors qu'il sentait ses forces le quitter petit à petit. Tellement de regrets en lui. De ne pas avoir retrouvé sa mère. De ne pas avoir été plus présent pour son père. De n'avoir pu dire au revoir à la première et être bien parti pour ne pas faire mieux avec le second. Pour la vie qu'il avait mené et les personnes blessés pour arriver à ses propres fins.
Peut-être aurait-il pu bouger, s'il l'avait vraiment voulu. Peut-être aurait-il pu se traîner jusqu'à sa baguette et appeler à l'aide. Voir même tenté de transplaner. Mais il n'était même pas sûr d'en avoir envie. De le mériter. Un mouvement à sa droite attira son attention. Un rat se trouvait là, non loin. Cela faisait si longtemps que Rafael n'avait pas été en présence d'un animal, magique ou non, que malgré la douleur, il trouva la force de sourire. Il tendit sa main et l'animal, d'abord méfiant, fini par s'approcher pour venir le sentir. C'était là un autre regret du garçon. Depuis son entrée à Castelobruxo, les animaux avaient toujours été là pour lui. Lorsqu'il était seul et perdu sa première nuit à l'école magique puis tout au cours de sa scolarité. Lorsqu'il était seul et rejeté au Japon. Il avait toujours pu compter sur eux et malgré ça, il les avait rayé de sa vie du jour au lendemain. Le rat, qui s'avérait en réalité être une rate, enhardie par le fait que l'humain ne bouge pas, entreprit de lui grimper dessus pour aller se cacher dans la capuche de son hoodie. Le brésilien, comme s'il avait attendu de ne plus être seul pour se l'autoriser, perdit connaissance.
29/08/2019 - If you look into the distance, there's a house upon the hill, guiding like a lighthouse to a place where you'll be safe
Midona semblait elle aussi prête à partir. La petite rate l'accompagnait partout depuis cette fameuse nuit et pour dire vrai, Rafael avait à présent du mal à imaginer son quotidien sans la compagnie de celle qu'il considérait comme son porte bonheur et sa compagnonne. Alors que tout semblait perdu et que le brésilien s'était senti partir, ce fut dans un lit d'hopital qu'il se réveilla. Les médecins n'avaient cessé de lui répéter la chance qu'il avait eu d'être découvert à temps et de s'en sortir. Il avait cependant dû passer quelques temps à l'hôpital mais cela s'avéra bénéfique. Ayant frôlé la mort et fait face à ses regrets, le sorcier ne pouvait plus vivre comme il l'avait fait. Cela ne voulait bien sûr pas signifier qu'il abandonnait sa recherche de la vérité, mais à présent, il le ferait à sa façon. Sans bafouer ses principes ou renier la personne qu'il était vraiment. Il voulait redevenir le jeune homme altruiste qu'il était réellement et de nouveau passer du temps avec les animaux et créatures magiques.
En sortant, il avait commencé par reprendre contact avec son père qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. La situation était étrange pour l'un comme pour l'autre, mais au fond, chacun était heureux de retrouver l'autre. Puis, comme un signe du destin placé sur sa route, il entendit parlé de l'université d'Ardfry, de la source et du lien avec les Missi Dominici. C'était à la fois là l'opportunité de renouer avec des gens, de suivre une affaire liée au groupuscule détenant la vérité sur sa mère ainsi que d'approfondir ses connaissances sur la magie. Il n'en fallu pas plus pour qu'il s'y inscrive.