Vivian A. O'Hara - Let me go with the wind

J'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose de plus grand que nous dans ce monde. Non pas que je crois en la religion à outrance, mais j'ai ce pressentiment étrange depuis l'enfance. Et depuis que mon père est décédé, je prends conscience de ce qu'il a voulu m'expliquer.
Mon père ne m'a jamais menti, nous avons toujours été proches, au grand dam de ma mère qui aurait voulu plus de complicité. Ne dit-on pas que les filles sont les princesses de leur père ? Dans ce cas précis, ce fut le cas. Mes parents m'ont beaucoup apporté et je les remercie de tout ce qu'ils ont fait pour moi. Enfant unique, j'ai été gâté mais pas pourri comme certains. J'ai appris rapidement à partager avec mes cousins et la crèche m'a sociabilisé dès mon plus jeune âge. Maman était une musicienne de renom dans le coin, un peu moins dans le monde malgré ses concerts dans de grands orchestres du pays. Le piano était son instrument de prédilection, l'atmosphère qui régnait lorsqu'elle jouait était fascinante et je souhaite captiver mon public de même, les toucher par mon art comme ma mère l'a réussi.
Mon père quant à lui était plus dans le domaine scientifique, un peu moins chantant mais tout aussi fascinant. Ses doigts pianotant sur le clavier d'un ordinateur pour ses recherches, je n'ai jamais vraiment compris ce qu'étaient les manipulations chimiques qu'il aimait faire, ni la manipulation des atomes, mais cela semblait l'intéresser grandement.

C'est d'ailleurs cette passion qui l'a arraché à moi, des années après le cancer qui avait emporté maman... Au début, mon père avait un boulot simple au centre de recherche de Galway. Un jour, un type un peu bizarre est venu à la maison lui faire une proposition. J'avais vu cet homme une fois ou deux dans les environs, mais j'ignorais qu'il cherchait à approcher mon père, ni même ses intentions. Il s'avère que cet étrange personnage venait offrir un emploi à mon père, beaucoup plus près de la maison puisqu'il s'agissait d'un poste à Oranmore. Du peu qu'il m'en a parlé, c'était crucial pour aider ces gens à comprendre certaines choses sur les origines de notre ville et certains événements qui s'y produisait depuis quelque temps. Je n'avais pas remarqué particulièrement des changements, mais il est vrai que les choses ont changé depuis un ou deux ans. J'observe beaucoup le monde sans chercher à percer ses secrets, je ne suis pas une fouineuse mais depuis la disparition de mon père, je me pose de plus en plus de questions.

Au départ, c'était innocent, le travail se passait bien mais il ne me racontait plus grand-chose. Secret professionnel ou une connerie du genre comme le disait papa... J'ai encore du mal à y croire honnêtement. Et je sais que je n'obtiendrais pas beaucoup plus de la part de son collègue. Oui, papa avait une sorte de partenaire, un type qui ne semble pas être le genre scientifique binoclard et un peu cinglé comme l'était mon adorable géniteur. Mais Simon est excentrique à sa façon lui aussi. Je ne lui ai pas parlé depuis quelque temps, parce qu'il me rappelle le job secret de mon père et qu'il ne peut pas en dire plus que lui. Je déteste cette position.

Et puis, il y a aussi le fait que je me sens seule... Certes, j'ai la trentaine, mais ça n'empêche pas que la perte de mes deux parents reste un choc immense dont j'ai du mal à me relever, en particulier papa, parce qu'il a toujours été là pour moi et qu'après la maladie de ma mère, nous nous sommes rapproché encore plus. Il a pansé mes blessures d'enfant casse-cou, terroriser mes petits copains au collège, subit mes changements d'humeur et l'apparition de mes règles tout seul comme un grand. C'est mon héros et je l'ai perdu aujourd'hui pour un secret en rapport avec ce foutu manoir d'Ardfry et personne ne m'explique rien ! Je désire comprendre comment un chimiste expérimenté a pu avoir un « accident » aussi bête que ce que les membres de l'université ont donné comme excuse. Je suis certaine que cela est en rapport avec autre chose...
Cet événement a un peu enterré mes envies de quitter la ville et entamer une carrière musicale comme Simon m'en avait donné l'idée. Il était pas si mal comme gars, mais pour une raison évidente, je me méfie de lui maintenant et essaie de léviter au restaurant.