Torn clothes and shivers [Flynn]

Il l'avait complété oublié. Ça lui était complètement sorti de la tête. Ce manteau grisâtre qui ne lui - leur - appartenait pas et qui traînait présentement en boule au fond de son armoire. S'il n'avait pas cherché comme un forcené ce foutu châle volatilisé qui n'avait pas vraiment disparu, il aurait certainement oublié son existence jusqu'à leur départ, dans trois longues années, lorsqu'il aurait fallu boucler les valises en quatrième vitesse parce que le vol retour pour la Maison décollait dans quelques petites heures. Et que, bien évidemment, il n'aurait pas fait la sienne à temps.

Il avait certainement tout fait, inconsciemment, pour ne pas s'en rappeler. Quand ils étaient rentrés, ce matin de pleine lune catastrophique et que Kieran l'avait abandonné, Isaak l'avait ramassé et "rangé". Planqué. Ce serait un problème pour l'Isaak du futur, celui qui aurait enfin pris une douche bouillante et tenter de se reposer quelques heures dans un demi-sommeil des plus agités, des plus perturbés, le stress brûlant encore comme un feu ardent sous ses paupières.

Mais l'étoffe qui avait servi à recouvrir la nudité de son cher et tendre était devant lui, dans son état pitoyable, lamentable, comme les souvenirs qu'elle évoquait. Salie par la précipitation des pas qui l'avaient piétinée, ceux qui s'étaient dirigés vers eux pour... Non, pour fuir les créatures qui avaient envahi la plage. Rien à voir avec la présence d'un loup-garou. Mensonge. Les mains repoussèrent une mèche de cheveu caressant sa joue, comme pour lui rappeler l'instant présent.

Il pouvait encore voir les traces de sang. Celui des strangulots. Celui qu'il avait pris pour du sang humain, du sang lupin, du sang chéri. Mais rien de tout cela, heureusement. Juste la preuve de sa couardise, de sa faiblesse, de son incompétence. Peut-être qu'il devrait juste le brûler, ce foutu tas de laine grise. Ou le jeter dans une poubelle, qu'est ce qu'il pouvait encore en faire ? Il n'était plus portable, selon ses propres critères.  

Et pourtant, le voilà à fouiller les poches. Il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait trouver, quelque chose, sans doute. Des papiers d'identité, idéalement. Afin de chercher son propriétaire. Afin de s'assurer que ce dernier n'avait pas péri dans l'incident. Voir quelqu'un de vivant, comme pour se dire que le carnage n'était pas total.

Par chance, il tomba sur le précieux sésame et put partir à la recherche du mystérieux inconnu au charme sans doute ravageur et dont il serait éperdument tombé amoureux s'ils s'étaient rencontrés une dizaine d'année auparavant. Ses films muets et distrayants l'accompagnèrent dans ses fouilles, jusqu'au bureau du professeur qui répondait au doux sobriquet de Flynn L. North. Certainement pas un patronyme, ce petit L tout perdu.

Sans tergiverser, sans se demander si l'intéressé était présent, il frappa à la porte. Que quelqu'un réponde. Que quelqu'un ouvre. La réponse attendue résonna et le soulagea. Il ne voulait pas retourner au dortoir avec ce fardeau.

" Ah... " s'exprima-t-il en passant la porte, une fois l'autorisation reçue. Il ne se l'était pas du tout imaginé comme ça. Plus... Roux, peut-être ? Ou blond. Ouais, le cliché du grand blond sportif avec ce sourire digne d'une publicité pour un dentifrice. Un Apollon des temps modernes. Puis, se rappelant l'objet de sa visite, il tend le manteau qui a trop vécu en peu de temps. " Je suis désolé de vous déranger, je pense que c'est à vous. Etait à vous ? Fin soit, je l'ai trouvé sur la plage et y avait vos papiers dedans. "

Il n'y avait pas à dire, il avait vraiment grise mine, ce vêtement abandonné. Peut-être qu'il aurait au moins pu le laver. Flemme. Un Recurvite, alors. Isaak, pensé à un sortilège en premier lieu ? Mal barré. Au moins le raccommoder, l’épousseter ? Le jeune homme grimaça un peu, craignant quelques remontrances sur l'état général. Et puis, dans un élan de spontanéité, sans doute parce que c'était la première chose qu'il aurait vérifié si les rôles étaient inversés, il reprit la parole. " Tous vos Gallions sont encore dans vos poches, si ça vous inquiète. Je me suis pas amusé à les compter par contre."