Drugfree is the way to be. (Kieran&Willa)

Le premier mois de la rentrée durait trop longtemps à son goût, et son lot d’angoisses avec. La suédoise avait encore du mal à se sentir chez elle, ici. Pourtant, l’Irlande, elle connaissait bien, mais ses récents voyages ne lui avaient pas permis de se poser quelque part pour y construire sa vie. Du coup, dans un sens, c’était nouveau pour elle, d’avoir quelque part où rester, définitivement elle l’espérait. Willa ignorait l’avenir de l’université si jamais le problème de la source était réglé, mais elle osait espérer pouvoir rester là si jamais ça arrivait – et pourvu que ça arrive. Elle n’en parlait pas, mais savoir qu’une telle source de magie était dans les parages n’arrangeait pas les angoisses qu’elle avait depuis qu’elle était ici. Le boulot, avant tout. Elle voulait être la meilleure, et encore plus. De ce fait, elle se foutait une pression dingue, que ce soit pour s’occuper des serres ou la chorale. La chorale, bon sang. Parfois, elle regrettait d’avoir accepté de la prendre en charge. S’il y avait peu d’inscrits, la Suédoise avait déjà bien du mal à imposer ses idées et à suivre ce programme qu’elle avait mis des semaines à préparer, pour qu’il soit le plus complet possible. Parfait sur tous les points. Mélanger les chansons moldues et sorcières, pour la diversité, pour plaire au plus grand nombre.

Tous les jours, Willa passait en ville, afin de voir ce que les fleuristes du coin avaient à lui proposer. Il lui arrivait de passer chez l’apothicaire, Plusieurs fois, elle y avait trouvé des remèdes pour ses plantes, notamment celles sorcières, qui nécessitaient des soins particuliers. C’était un endroit assez étrange, mais rien de bien nouveau quand on connaissait le Chemin de Traverse et les boutiques toquées de l’Allée des Embrumes. Du temps où elle était à Poudlard, elle n’avait jamais pénétré volontairement dans l’allée, toujours par accident ou entrainée par d’autres Serpentard. La blonde se souvenait du peu de fois où elle y était allée, avec précision. Elle ignorait l’engouement que portaient les autres élèves face à cet endroit, mais soit. Elle ignorait beaucoup de choses, à cette époque.

La suédoise était en pleine recherche de fleurs de saison, de quoi remplir les serres et y apporter un peu de couleur. De plus, certaines plantes pouvaient être très utiles à la confection de potions, que ce soit pour guérir les malades de l’infirmerie, ou à utiliser en cours pour les étudiants. Elle avait un mal fou à trouver de nouvelles choses, et c’est bredouille qu’elle retournait à l’université. Willa était déçue : cela voulait dire qu’elle allait devoir y retourner demain. C’est-à-dire, perdre encore du temps. C’était dingue comment elle détestait ça. Une fois arrivée à l’université, elle soupira. Elle allait devoir attendre un peu avant de pouvoir faire ce qu’elle voulait de ces serres. D’ailleurs, elle arrivait devant, De l’extérieur, on pouvait entendre une voix. Il y avait quelqu’un, c’était sûr. Pourtant elle était persuadée d’avoir fermé la porte à clefs… Maladroite et tête en l’air comme elle est, ça ne l’étonnerait même pas qu’elle ait laissé la porte ouverte. Un peu hésitante, elle entra dans les serres.

Elle avançait lentement. Willa ne savait pas vraiment si c'était parce qu'au fond, elle avait peur, ou si c'était pour surprendre la personne indésirable. Un peu des deux, sans doute. Enfin, elle était face à face avec l'intrus. Un homme, sans doute le même âge qu'elle. Il était immense. La suédoise se sentait un peu petite, sur le coup. Légèrement intimidée, elle l'était, mais ça ne l'empêchait pas de réagir. « Je peux savoir ce que vous faites là ? » Elle ignorait si c'était un étudiant ou un membre du personnel : dans tous les cas, elle ne l'avait jamais vu. « Je ne me souviens pas avoir donné mon autorisation à qui que ce soit de venir dans les serres en mon absence. » Son autorisation, la blonde ne la donnait que très rarement. Dans le fond, elle avait peur qu'on vienne détruire son travail quand elle n'était pas là. Elle soupira. « J'peux vous aider en quoi que ce soit ? » Il était sans doute là pour une raison. Maintenant, il fallait savoir laquelle.

Elle ne savait pas pourquoi elle retrouvait quelqu’un dans ses serres. Il n’y avait que des plantes, bon sang, qu’est-ce qui pouvait bien attirer le jeune homme ici, sincèrement ? Elle se le demandait. Parfois, elle ne comprenait pas les gens. C’était sans doute pour ça qu’elle avait autant de mal à sociabiliser avec les autres gens. La blonde avait l’impression de vivre dans un autre monde. C’était une impression qu’elle avait toujours eue, même plus jeune. Elle n’arrivait pas à passer outre. « Désolé, je crois que j’ai un peu perdu l’habitude de demander à un adulte. Blague à part, ouais, j’aurais dû penser qu’il fallait une autorisation pour venir ici, ça m’était sorti de l’esprit. » Non, mais franchement. Willa leva les yeux au ciel. Il avait oublié qu’il était dans une université ? Qu’il y avait donc des règles ? Elle était exaspérée. Elle le regardait soupirer, et elle était vraiment entrain de se dire si ce n’était pas plutôt elle, qui devait réagir comme ça. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne savait même ce qu’elle était censée faire dans cette situation. La Suédoise s’imaginait bien filer des retenues, mais on ne lui avait jamais dit qu’elle avait le droit : après tout, elle n’était pas un professeur, du moins pas officiellement. Elle assistait de temps à autre le professeur de botanique, et s’occupait de la chorale. Elle ne se considérait pas comme « la prof de chorale », c’était trop bizarre à ses yeux. « Bon, ok. J’ai besoin d’aconit parce que je suis un loup-garou. » De l’aconit. Loup-garou. L’information avait mis un moment à atteindre son cerveau. A présent, tout faisait sens. Elle comprenait mieux sa présence ici. Elle n’eut aucun mouvement de recul, rien. Ce n’était pas la première fois qu’elle rencontrait un loup-garou, et elle en avait assez appris sur leur condition pour ne pas montrer sa peur. Elle était là, la peur, parce qu’elle ne connaissait pas l’homme devant elle, mais elle ne se montrait pas.

« Normalement, je m’assure d’en avoir un bon stock sur moi pour préparer mes potions en avance, mais tout a pourri et j’ai dû les jeter. J’ai ce qu’il me faut pour Septembre, j’avais tout fait en avance, mais pour Octobre, je suis à sec. J’espérais en trouver ici mais… Bah, l’aconit d’ici est juste bonne pour la potion de l’œil vif, mais pas pour la tue-loup, et chez les apothicaires, ça coûte horriblement cher, j’ai pas vraiment les moyens. » Willa réfléchissait. Visiblement, il était dans une impasse. Elle comprenait mieux sa présence ici, même si elle était loin de cautionner l’intrusion. Elle était désolée pour lui. La Suédoise ne pouvait pas compatir, elle ne savait pas ce que c’était de vivre ainsi. « J’imagine que je suis bon pour passer ma pleine lune enfermé dans les cachots, du coup. » La botaniste était peinée pour le jeune homme. Il avait l’air un peu déboussolé par sa situation, et elle était là, sans savoir quoi dire.

« Je dois avoir quelque chose, sûrement dans la réserve ou dans l’université. Dans le deuxième cas, il faudra qu’on aille voir dans les réserves privées du professeur de botanique. » Comme elle travaillait avec lui, elle y avait libre accès. Elle était quasiment certaine qu’il y en avait là-bas, mais elle voulait vérifier. Elle fit un tour des serres, cherchant des yeux la précieuse plante qu’il lui fallait tant. « Sinon, je peux savoir à qui j’ai affaire ? » Elle voulait avoir des informations, celles importantes. Elle connaissait sa condition de loup-garou, mais pas son prénom, ni son nom. C’était le minimum, quand même. La blonde n’allait pas forcément s’en faire un ami, ce n’était pas son genre de sociabiliser comme ça, mais elle ne voulait pas aider un inconnu. Tout en cherchant, elle lui lança un regard. « Je suis la botaniste qui s’occupe des serres. Willa, Willa Lundgren. » Ca, c’était fait. Comme ça, elle évitait les questions, elle y répondait avant même qu’elles soient posées. Après quelques minutes de recherches, elle abandonna. « Bon, va falloir qu’on aille voir les réserves du professeur. Vu l’urgence de ta situation, je n’ai pas le temps de le prévenir. Va falloir qu’on se fasse discrets. Est-ce que ça te va ? » Elle n’aimait pas faire ça, mais ils n’avaient pas vraiment le choix. C’était trop important à ses yeux pour qu’elle le laisse comme ça. Elle avait un minimum d’empathie pour être sensible à son problème.

Son empathie était quelque chose qu'elle avait toujours eu du mal à gérer. C'était un gros problème, d'après sa propre expérience. A Poudlard, Willa était de ceux qui s'isolaient volontairement, qui n'aimait pas se mêler aux autres. Si elle connaissait un minimum la personne, il n'y avait aucun souci pour l'aider, mais quand elle ne connaissait pas... C'était plus compliqué. En grandissant, ça n'avait pas réellement changé. La Suédoise préférait largement apporter son aide à ses connaissances si nécessaire, mais se méfiait toujours autant des inconnus. L'unique différence, c'est qu'elle la filait quand même, l'aide, et se sentait obligée de le faire, encore plus maintenant qu'elle travaillait à l'université. Willa n’avait pas pu lui refuser son aide.

« Kieran Rutherford. Je suis étudiant en SOUPE. » Willa acquiesa. Elle avait quelques problèmes pour enregistrer le nom de tous les cursus de l’université, mais elle allait faire de son mieux pour garder l’information dans un coin de sa tête. Son prénom, ça irait, sans doute. Si jamais elle le revoit, elle saurait quand même le reconnaître. Sa propre proposition d’aller voir dans les réserves privées du professeur avec qui elle travaillait de temps à autres, ça ne lui plaisait que très peu. Mais avait-elle vraiment le choix, dans ce cas-là ? Le temps qu’elle perdrait à courir partout à chercher le professeur était considérable, sachant qu’elle ne savait absolument pas où il était et s’il était dans l’université à ce moment-même. La Suédoise ne savait pas vraiment si cela était considéré comme un vol. Le professeur ne lui avait jamais dit si elle devait le prévenir si elle venait se servir dans les serres, donc Willa s’était toujours dit qu’elle devait le faire, juste au cas où. Là, c’était une situation urgente, compliquée, qui avait des conséquences. Alors, tant pis. Aux grands maux, les grands remèdes.

« Ouais, ok, ça me va. Je ne sais pas où c’est, du coup je vous suis. » Sans dire un mot, Willa l’invita à la suivre, d’un pas peu assuré, tentant tout de même de ne pas avoir l’air bizarre face aux gens qu’ils croisaient. C’était plus compliqué que ça en avait l’air pour la blonde, mais elle faisait de son mieux pour avoir l’air normale, si normale était un mot qui pouvait la définir. Généralement, elle était loin de passer inaperçue dans l’enceinte de l’université, son style vestimentaire étant assez atypique pour être remarqué. Elle ne se baladait pas assez régulièrement dans les couloirs pour pouvoir se souvenir de tous les recoins, mais elle avait déjà assez été dans les réserves pour savoir exactement où elles étaient. Une fois arrivés devant la réserve privée, elle se retourna vers Kieran. « Je te laisse m’attendre ici, j’en ai pour trois minutes. » La clef dans ses mains, elle ouvrit la porte, entra et la referma aussitôt.

Willa regardait autour d’elle, l’air interrogateur. Elle analysait chaque étagère avec minutie, tentant de chercher ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à de l’aconit. Rapide et attentive, il était impossible qu’elle le loupe. Aconit… Aconit… Trouvé ! La Suédoise lâcha un petit cri de joie, fière d’elle. Elle attrapa le pot de verre où l’aconit se trouvait. Il y en avait peu, mais assez pour le dépanner. Contente, elle sortit de la pièce. « Tiens ! J’en ai trouvé. Ça te dépannera pour une potion au moins, je pense. » Elle fit une tête désolée. « Navrée de pas pouvoir faire plus. Je te préviendrai dès que j’en ai qui soit bonne pour ta potion, mais pour l’instant, tu vas devoir faire avec… » Elle lui tendit le pot avec précaution, puis referma doucement la porte de la réserve. C’était comme si elle n’était jamais rentrée.